UN NOUVEAU CRITÈRE POUR TRAQUER LES MARGES DE PROGRÈS
Le lait produit à l'échelle de la carrière d'une vache ne constitue pas un objectif en soi. Mais ce critère synthétique permet de dégager des pistes d'amélioration du revenu.
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INTUITIVEMENT, BIEN DES ÉLEVEURS SAVENT QUE LA RENTABILITÉ DE LEUR EXPLOITATION est liée au volume de lait produit par chaque vache, pour chaque jour de présence dans l'élevage. De ce critère dépendent en effet les produits dégagés par l'exploitation. Encore peu connu, ce chiffre apparaît extrêmement variable. Ainsi, les calculs réalisés par Cogedis- Fideor montrent que dans les élevages holsteins, les vaches produisent en moyenne 12 l de lait/jour ou 27 749 l durant leur carrière (voir ci-contre). Mais ces chiffres montent à 15 l/jour ou 40 000 l sur la carrière pour le quart des éleveurs obtenant les meilleurs résultats.
« L'intérêt majeur de ce critère est le fait qu'il soit synthétique », explique Pierre Lucas, responsable du service gestion à Cogedis-Fideor.
LES PÉRIODES IMPRODUCTIVES COÛTENT CHER
Le lait produit par jour de vie évalue la productivité des animaux en tenant compte non seulement de leur volume laitier, mais aussi de leur durée de vie active. Il intègre à la fois l'efficacité alimentaire, les performances de reproduction, l'âge au vêlage et le taux de renouvellement. Or, chacun sait qu'un animal qui ne produit pas coûte cher. C'est le cas des génisses avant le vêlage, mais aussi des vaches taries ou malades. Sans compter les réformes subies qui viennent amputer la carrière des vaches.
Ces périodes improductives sont partiellement incompressibles. Un niveau élevé de lait produit par jour de vie permet un meilleur amortissement des coûts de renouvellement.
De plus, un critère combiné tel que celui-là permet une prise en compte plus globale de la performance de l'élevage. Il se produit une compensation entre les différents éléments concernés. Un très haut niveau de production laitière, par exemple, sera tamponné par un taux de réforme excessif.
Au final, le calcul traduira mieux la performance économique de l'élevage. Seuls ceux qui possèdent une bonne maîtrise technique se classeront bien sur le lait par jour de vie.
La pertinence de ce critère s'illustre aussi via les charges de structure. Lorsque les animaux sont peu productifs, l'effectif nécessaire au quota augmente, avec des implications évidentes sur les besoins en bâtiment et en surface fourragère. À l'inverse, ceux qui sont productifs pendant leur carrière permettent une réduction des charges de structure et une hausse des produits liée à une libération de surfaces pour d'autres productions. L'écart sur les charges de structure avoisine les 12 €/1 000 l dans l'étude. Les chiffres de Cogedis-Fideor montrent aussi qu'il n'existe aucun lien entre le lait par jour de vie et la taille du troupeau.
En revanche, et ce n'est pas une surprise, l'impact de la race est élevé. Les troupeaux normands se placent moins bien en raison de vêlages plus tardifs et d'une productivité laitière inférieure à celle des holsteins. Néanmoins, l'écart ne se retrouve pas au niveau du revenu. Les éleveurs en race normande compensent grâce à un prix du lait et un produit viande supérieurs.
Le lait par jour de vie est également fortement corrélé à l'intensification. Le coefficient de corrélation avec le lait par hectare de surface fourragère est élevé. Ceci est logique puisque les systèmes intensifs cumulent des vêlages précoces et des productivités individuelles élevées. Mais malgré ce bon niveau d'efficacité des vaches, ils restent dans la moyenne en termes de revenus.
NE PAS ANALYSER CE CRITÈRE DE FAÇON ISOLÉE
« Cet effet du système est amplifié chez ceux qui ont un bon niveau de cohérence entre la productivité et les charges », observe Pierre Lucas. Autrement dit, les éleveurs intensifs qui sont à un niveau élevé de lait par jour de vie, avec des charges maîtrisées, creusent l'écart avec la moyenne en termes de revenus. À l'inverse, les élevages dits extensifs (moins de 6 000 l de lait par hectare de SFP) sont moins performants sur le lait par jour de vie. Et cette faible efficacité affecte le revenu.
Ces élevages sont pénalisés par des vêlages tardifs et des coûts alimentaires élevés. Au final, ils dégagent un revenu inférieur à la moyenne de 10 €/1 000 l.
Ce qui confirme que les éleveurs qui choisissent la voie extensive doivent compenser leur moindre productivité par l'optimisation de leurs charges (parcellaire, matériel, bâtiment…) ou une meilleure valorisation de leurs produits (bio, vente directe, transformation…).
Ces constats montrent bien que ce critère ne saurait être analysé de façon isolée. « Il doit absolument être mis en relation avec un critère économique », précise Pierre Lucas. Car une vache peut très bien produire beaucoup grâce à une ration alimentaire excessivement coûteuse. Ainsi, on s'aperçoit que le coefficient de corrélation entre le revenu et le lait par jour de vie n'est que de 0,20.
Ceci représente tout de même un écart de 7,50 €/1 000 l sur le revenu de l'atelier lait entre la moyenne et les plus performants dans l'étude de Cogedis- Fideor. À titre indicatif, la corrélation est de 0,4 entre le coût alimentaire et le revenu.
« Le lait par jour de vie doit être considéré comme une information pertinente et synthétique pour améliorer la rentabilité globale du troupeau », analyse Pierre Lucas.
Le niveau de ce critère doit donc être cohérent avec le système de production en place. Son calcul est intéressant pour comparer l'élevage aux autres et se poser les questions qui aident à progresser.
En cherchant à améliorer le lait par jour de vie à travers une analyse globale, on optimise les pratiques, ce qui conduit à une amélioration des résultats économiques.
Ainsi, le niveau de production des vaches doit être cohérent avec les investissements en génétique ou en alimentation.
Lorsque ce niveau est faible, il doit être compensé par une meilleure longévité des vaches.
Car elles ne peuvent s'amortir que sur une durée de carrière plus longue. Des vaches qui produisent peu sur une période courte pénalisent forcément la rentabilité de l'élevage.
De même, l'une des voies évidentes pour augmenter le lait produit par jour de vie est de limiter le nombre de jours improductifs en visant un vêlage précoce. Mais ceci ne doit pas justifier une dérive au niveau du coût alimentaire des génisses, un poste qui varie de 250 à 600 €/génisse.
REPÉRER ET CORRIGER LES PRATIQUES À OPTIMISER
Enfin, une conduite optimale du troupeau doit permettre de limiter le nombre de réformes subies qui viennent raccourcir la carrière, et donc réduire la productivité des vaches. Ce taux ne devrait pas dépasser 25 %. Au-delà, on doit s'interroger sur la maîtrise sanitaire du troupeau. Avec un taux de réforme à ce niveau, il est possible de vendre des jeunes vaches en production, ce qui est toujours plus rentable que la vente à la boucherie. « Cette analyse permet de pointer du doigt les pratiques qui ne sont pas optimisées », résume Pierre Lucas. Elle débouche sur une évaluation des gains espérés sur le revenu pour chaque point amélioré. À partir de là, l'éleveur qui veut augmenter ses résultats sait sur quel poste il a intérêt à travailler.
« Cette démarche est proposée aux éleveurs clients de Cogedis. L'analyse permet d'élaborer un plan d'action technique assorti d'une simulation avec une prévision des résultats économiques sur l'exercice à venir. À chacun de trouver ensuite le bon interlocuteur en fonction des domaines à travailler, qu'il s'agisse de la ration, du sanitaire, de la reproduction… », conclut-il.
Les OCL (Organismes de conseil en élevage) commencent eux aussi à calculer le lait par jour de vie. C'est le cas en Ille-et-Vilaine depuis deux ans.
« L'intérêt est de comparer les élevages entre eux. Sur cette base, nous réalisons des simulations pour évaluer l'impact d'un vêlage plus précoce ou encore d'une augmentation de la production par vache », précise Alain Bourges dans ce département.
PASCALE LE CANN
Connaître la production individuelle ne suffit pas. La rentabilité de l'élevage dépend aussi de la durée de vie productive des vaches. © SÉBASTIEN CHAMPION
Pierre Lucas : « L e critère lait par durée de vie a un impact sur le revenu. Mais il ne l'explique pas à lui seul. »
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